Décembre 2001 Galerie Console, Paris 11ème :

« ce n’est pas du cinéma », intervention dans le cadre d’une exposition collective : Éric Arlix recrute pour Console.

(avec : abcreation, Benoît Berry, Olivier Bosson, Sophie Coiffier, Jean de la Roche, Chloé Delaume, Frédéric Dumond, Le dindon, Arnaud Maguet, PLAY / JOUE (Eric Landan, Daniel Foucard, Pierre Gaconnet,
Thierry Théolier, Julien Bécourt, Misa Ishibashi), Soussan Ltd,Téléférique, Christian Vialard)

 

3 panoplies sont présentées comprenant un mini sac ventral orange muni d'un livret détenteur du personnage à interprêter. Au choix : "Le Colonel", "Le Comédien", "Echo". Le visiteur peut se référer au mode d'emploi ("&Co") qui explicite le lien entre les trois personnages.

 

EXTRAITS

 

Le colonel

 

Le colonel s’émeut de n’être pas colonel. Il règne sur si peu de terre. Le colonel est parti en campagne, jardiner et se baigner dans la rivière très froide été comme hiver. Le colonel existe. Il sillonne les contrées au moyen d’une Austin rouge dans laquelle se fatigue une odeur de cadavre. Les restes d’un hérisson, sans doute, entré une nuit par la portière entrouverte, et mort là, ayant trouvé cimetière à son pied. L’odeur ne manque pas de piquant et fait jaser dans le pays. Pour se consoler de cette bévue olfactive, le colonel bichonne son citronnier, et fabrique des mouches à pêche. Le colonel est musicien : il écoute ses fausses mouches vrombir dans l’air du soir et se félicite d’une si grande prouesse de leur part, donc de la sienne. Le colonel est mélomane : il chante à tue tête des chansons paillardes les pieds perdus dans la fontaine. Le colonel prend son pied où qu’il aille. L’autre, depuis une trahison, ne retient que peu l’attention et se contente de suivre son maître sans moufter, de peur de faire un faux pas. Cependant, à la pêche, le colonel n’a pas fait mouche : ni tanche, ni gardon. Il faut parfois savoir supporter l’abandon de Dieu.

Le colonel mange du poulet au curry et boit du vin rouge avec de la glace. Des glaçons. On pourrait croire qu’il n’aime pas le vin, alors qu’en fait, c’est qu’il aime la glace. Le vin le réchauffe, la glace le ranime. Le colonel est plein de contradictions.

 

Le comédien

 

Le comédien ne connaît pas la traque parce qu’il est son propre chasseur.

Le comédien n’est jamais méchant ou gentil parce qu’il est potentiellement les deux.

Le comédien déclare : « remonté du murmure, l’art du cri vient du ventre. Je suis d’abord et avant tout une voix. Je suis d’abord et avant tout un rythme. Je suis et aussi rien. Je rends le rien tangible. Si tant est qu’un intermédiaire puisse s’en remettre au texte. Je veux dire. Je veux dire le « je » n’est rien par rapport au dire. En ce sens le je n’habite plus nulle part. Le corps est si peu souvent sa maison…qu’il en revient à être en apesanteur aux crochets du texte. C’est, c’est plus grand ; c’est autre chose que d’être plein de bêtise, d’être plein du sentiment du gouffre. Pas de celui qui appelle, mais plutôt de celui qui ne dit rien, qui ne dirait jamais rien si on le laissait faire. Mais justement le travail consiste à réveiller le gouffre, à lui fabriquer un écho de toutes pièces.»

 

Echo

 

Je suis née en 1967, au mois de Juillet, fille du soleil. En fait, au fait, quelque chose est arrivé, je. Quelque chose s'est passé, je. 

À cette seconde, dans cette seconde, à l'intérieur même de cette seconde qui était pleine de choses, j'ai vu à quel point on, nous, je, le comédien et moi-même avions abdiqué. Préférant céder dans le confort. En un clin d'œil, dans un claquement de doigts, dans un claquement de langue. Bref, en un rien de temps, sans même y réfléchir. Paf, tout s'arrête.

Ou alors tout commence, c'est selon. Une poursuite légitime pleine de mots qu'on taira par commodité. C'est commode.